Le matin d'été se lève et
l'odeur de l'herbe fraîche pénètre déjà dans ma chambre. Les volets sont
ouverts, et le soleil a décidé de passer un moment en ma compagnie. Le son des
flûtes me parvient déjà. Comment ne pas profiter de chaque matin, dans un lieu
où justement chaque matin est un renouveau ? Chaque matin est unique, on y
trouve toujours un détail qui ne nous parvenait pas et l'on découvre le bonheur
de vivre… Le bonheur de vivre des choses simples.
La lande irlandaise s'éveille, le fracas des
vagues sur les falaises se mêle aux cris des mouettes, le vent souffle déjà. Je
n'y tiens plus, il faut que je parte courir à travers ce merveilleux paysage.
J'enfile un jean, un sweet, je chausse mes baskets et doucement sans réveiller
mes vieux parents, je m'élance dans ce magnifique paysage. Courir en
contemplant chaque chose, courir en appréciant la complicité des animaux,
courir avec une douce musique de source inconnue dans les oreilles, tout ce
dont peux rêver un homme est contenu dans ce moment. On ne grandit jamais en
Irlande, la nature grandit avec vous et vous rends cette impression d'éternelle
jeunesse et de complaisance. Tous vos rêves d'enfance sont conservés dans votre
cœur et ne vous font jamais regretter d'être venu vous installer ici.
Je suis
venue de France, je suis venue de la région urbaine de Paris où les paysages
gris et ternes se répètent sans cesse, et vous oppressent dans un stress
permanent. Mes parents ont décidé de quitter leur pays, pour aller s'installer
dans un endroit où la nature a toujours le dessus, où l'air est frais, où a
mer, vous cerne sans cesse, où tout ce qui vous croise et magique.
Je m'appelle Maëlle, j'ai 17 ans aujourd'hui.
Arrivé à la
pointe de Ker'io, Je m'assoie sur un rocher, contemplant la mer, toujours avec
cette douce musique dans l'oreille. Mais cette fois-ci la musique est nette est
précise. Des notes de flûtes s'entremêlent avec les sons bref d'une harpe.
Scrutant les alentours, j'essayais de découvrir qui jouait à cette heure matinale.
Je ne découvrais rien et la musique devenait de moins en moins floue. Cette
mélopée me rappelait des souvenirs étranges, une pointe de nostalgie s'empara
de moi et réussit à me tirer une larme qui mourut sur mes lèvres.
Décidée à reprendre ma route, en découvrant qui
arrivait à sortir des notes aussi belles, je m'avançais à grandes enjambées
dans l'herbe verte de la plaine. Passant par quelques détours, la mélodie
ininterrompue s'amplifiait et semblait me guider comme un fil. Bientôt
j'aperçus au loin une petite chaumière. Devant elle se tenait deux personnes,
assises sur un banc. L'un deux laissait paraître de longs cheveux blancs alors
que l'autre dévoilait des cheveux blonds.
Les deux hommes étaient ma source, la source de la
musique. En effet en m'approchant
discrètement je découvris que le vieil homme tenait une harpe celtique,
et que le jeune garçon d'une vingtaine d'années articulait ses doigts autour
d'une flûte traditionnelle. J'étais à présent qu'à quelques mètres, assise
derrière un rocher.
-Assez pour aujourd'hui, déclara le vieil homme.
Il posa
alors sa harpe dans un coin, et laissa le jeune homme rentrer seul dans la
maison. La porte à peine refermée, il dit :
-Tu peux
sortir de ton rocher jeune fille.
Étonnée je
me relevais. Je me confondis vite en excuses, et déclarais que j'allais bientôt
partir mais l'homme me rassura.
-Ne
t'inquiète pas, je ne vais pas te dévorer comme l'an-diul*
-Je suis
donc si peu discrète pour que vous m'ayez repéré ?
-Il faut
être aveugle pour ne pas voir approcher une si jolie créature. Allez viens donc
t'installer près de moi.
Je
m'exécutais, le vieillard m'inspirait de la confiance ? Mais en approchant je
ne pus retenir un cri d'exclamation. Le vieil homme était aveugle.
-Oui.
déclara-t-il, la nature a décidé de m'enlever la vue, mais j'ai conservé une
excellente ouïe. Je t'ai entendue arriver. Mais dis-moi… qu'est ce qui t'amène
ici ?
-Votre
musique…Elle m'a envoûtée, je ne sais pas mais elle m'a guidée ici. C'était
très joli.
Je me
sentais ridicule. Je ne savais pas quoi dire devant cet homme aveugle. Et après
quelques minutes de silence, il déclara.
-Joues-tu
d'un instrument ?
-Oui…Du
fiddle** !
-Voudrais-tu jouer avec nous ?
-Je ne m'en
sens pas capable désolé.
Je me
levais, alors près à repartir.
-Tu nous
quittes déjà ? demanda le vieil aveugle.
-Oui, le
soleil est déjà bien avancé et je dois rentrer chez moi.
-Très bien.
Yann !!!
Le jeune
homme que j'avais aperçu à la flûte sortit alors.
-Dis au
revoir à cette amie qui est venue me rendre visite… Elle s'appelle Maëlle.
Je
n'entendis même pas le son de sa voix… Concentrée sur lui, je fus frappée de
stupéfaction. Ce corps découpé avec perfection, cet homme ni trop grand ou trop
petit, cette chevelure blonde mi-longue coupée à la perfection, ces yeux bleus
océans, je me perdais dans ce trop plein de bonheur. Un sentiment nouveau vint
s'emparer de moi… Et plongé dans un sommeil léthargique, je rêvais. Puis brusquement
reprise par la réalité, juste avant de m'élancer dans la plaine, je demandais
en bafouillant sous le sourire bienveillant de Yann :
-Euh pour
jouer avec vous… ça tient toujours ?
-Bien sûr,
rendez-vous la semaine prochaine. S'exclama le vieillard.
Et rassuré
je courus à en perdre haleine dans la plaine. En me remémorant ces moments si
brefs mais gorgés de bons sentiments. En me remémorant son sourire, sa
chevelure. Bref en me remémorant sa personne.