Mercredi 5 août 2009 à 18:07

 
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"Je n'ai jamais de chance avec les cucurbitacées.
J'ai beau les palper, les sentir, le observer,
J'ai toujours les moins mûrs."


Je n'ai jamais vraiment demandé à ma mère de m'apprendre à cuisiner. Elle ne me l'a que rarement proposé elle-même. Peut-être l'écho encore tonitruant de mon premier contact avec la cuisine l'a dégoûté à jamais. Il faut dire qu'à l'époque (j'ignore l'âge que j'avais, mais je n'étais pas très grand), ce qui m'intéressait plus dans les casseroles était leur potentiel à devenir des instruments de percussions. Armé de cuillères en bois et autres louches, je m'acharnais sur le pauvre fond des casseroles. Je pense que je dois encore pouvoir en trouver une qui porte les marques de cette anecdote.

Bref, toujours est-il que néanmoins avec le temps j'ai appris à cuisiner, et à aimer ça. Oui parce que si je n'ai pas la motivation pour cuisiner, généralement cela se finit en catastrophe. Je fais inévitablement cramer les pizzas, pas assez frire les boulettes de viande, et cela me contrarie généralement au plus haut point (surtout quand il s'agit de les porter pour un repas chez autrui). Je n'ai pas la prétention d'être un bon cuisinier, mais j'ai la fierté de savoir faire plus que des pâtes. C'est pourquoi, pour le retour de ma petite famille chez moi, j'ai eu envie de mettre un cran d'arrêt à toute la malbouffe que je me suis faite depuis samedi midi. Et donc je me suis dit qu'il était peut-être utile pour ceux qui sont en panne d'idées cet été, de mettre mes recettes du repas de ce soir.

Bon autant dire que je fais au fur et à mesure donc que vous aurez le plat, un peu plus tard dans la soirée. Quant au dessert, il s'agit simplement de tranches de pastèques, en priant pour que celle-ci soit mûre et bonne.

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PS: et je tiens à remercier les gens qui passe toujours par-là, alors même que je ne poste plus. Ca me touche beaucoup. Maintenant que j'ai repris, j'ai été surpris de voir que simplement hier, vous étiez déjà une petite trentaine à me visiter. Merci beaucoup :).

Mardi 4 août 2009 à 22:56

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"- Je suis étudiant en Audiovisuel, métiers de la télévision et du cinéma.
J'ai en charge de mettre des images ensembles, pour que cela donne au final
un film ou une émission cohérente et compréhensible.
-D'accord. Et ça consiste en quoi?"
 
 

Beaucoup de gens s'imaginent que pour scruter, il faut forcément voir. Que pour être attentif, il faut ouvrir ses yeux. Que pour savoir, il faut voir. Quand je scrute, j'utilise tout ce qui ne se rapporte pas à la vue. Je suis un aveugle qui essaie de savoir. J'aime connaître en touchant, en entendant, en goûtant, en sentant. De ce fait, j'apprécie la poésie des livres. De ceux qui ont une odeur spéciale, de ceux qui ont une typographie particulière, une manière d'être. J'apprécie la musique, sa sonorité, sa manière de voyager. Tout cela me traverse, m'enveloppe, et me parle. 

Quand je scrute au fond de moi même, c'est ma seule manière de voir. De voir, trier et ranger. En écoutant mes pulsations, en sentant mes émotions... je scrute... Quand je scrute les autres, je me plonge au fond d'eux. J'aime à les découvrir de cette manière silencieuse et quasi-aveugle. J'aime mener mes premiers contacts par ma manière de scruter plutôt que par la vision.

Mardi 4 août 2009 à 0:41

 
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"Quand je me suis endormi, 

je gardais derrière moi, les nuages gris de Paris.

Quand je me suis réveillé,

j'avais l'étendue devant moi, de ce ciel bleu,

de celui qui rentre enfin chez soi."


Henri Bauchau disait, dans sa perle littéraire "Le boulevard ériphérique": « Je suis une sorte d’intellectuel nerveux, au cerveau sans cesse en érection, au désir vite allumé, pris constamment entre les contradictions insolubles dont je me dis parfois, quand je l’ose, qu’elles font ma richesse. » Et quand je me répète ces mots, j'aime à penser que c'est vrai et que ça constitue en plus de ma richesse, ma force. Incapable de rester à un endroit trop longtemps, je bouge, je change. Je me dois de toucher à tous ces horizons à toutes ces nouvelles choses. Je me confiais à elle, et lui disait sans attendre de réponse: "Si je ne voyage pas, je meurs." Qu'en est-il du retour, quand le corps, l'esprit et ce qui les accompagne en est fatigué du voyage? Ils rentrent.

Les gens passent par milliers dans le salon Grand Voyageur de la gare Montparnasse. Certains ont une direction, d'autres non. Ils sont en transit. Un petit peu dans l'incertitude. Je vois ses longs cheveux roux qui cachent son visage. Elle a placé son menton dans ses paumes et posé ses coudes sur ses genoux. Le regard fixe, elle réfléchit. Les bras croisés, les fesses sur le bord de la chaise, je l'imite. Je fixe. Quand elle m'a dit qu'elle était désolée que ça se soit mal passé, j'ai murmuré un "c'est pas grave" lointain. Puis elle s'est levé, et elle est partie, en attendant que je revienne.


Je ne saurais expliquer pour quelle raison il fallait que je revienne ici...je n'en sais rien... Cela fait partie de mes contradictions insolubles... qui m'enveloppent et font de moi ce que je suis.


Dimanche 1er mars 2009 à 0:03

 J'aurais voulu me faire crever les tympans. Accroupi à côté de cet énorme caisson qui envoie du je-ne-sais-combien de KiloWatts, je prends des photos. Sans le coeur. La main tremble, la lumière est faible. Les photos sont ratées. Sur scène, il y a un groupe de filles, qui éclatent à plat de couture, tout ce qui s'est joué avant. La chanteuse, charismatique, éblouit. Sur l'appareil, elle est insaisissable. Je n'avais pas de protections, mais ça ne faisait pas mal. Puis je suis sorti de la salle de concert, Brice a commencé à me parler, et je n'entendais plus. L'espace de quelques secondes. Ca fait bizarre. 

J'crois qu'au fond, c'était de ça dont j'avais besoin. Un bon gros caisson de basses qui me ramone complètement le cerveau, qui éclate ma cervelle. Un truc qui fasse boum boum dans mon corps, pour me faire violence. Pendant ce temps là, j'étais aussi fasciné par cette chanteuse que l'on arrive pas à photographier. Ca m'énerve, je sens que la colère bout. Ca ne va pas. Rien ne va. J'ai pas envie d'être là, j'ai pas envie d'être moi. J'en ai marre.

Je suis le dernier. Le petit dernier a rester sur cowblog pour y poster plus d'un article par mois. Ca fait bizarre ça aussi. Tout est bizarre en ce moment. Les photos, la photo, la musique, l'écriture, la parole, la gestuelle, les films, le boulot, les gens. Et c'est désagréable.

Lundi 16 février 2009 à 0:37

 
 
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"Rien

Face à moi. Le vide vertical. La nudité murale.  Face à moi. Ma Tapisserie. Avec des bonshommes qui sourient sur leur moto. Avec des radios. Et puis parfois rien. Juste ce jaune.

    Je suis assis sur le sol de ma chambre, mon corps reposant sur mes mains placées légèrement derrière moi. Je regarde mon mur. Les cadres et posters sont posés à même le sol. Il n’y a plus rien. Je voulais le faire. Juste pour voir ce que cela faisait. Un mur sans rien.

    C’est vrai qu’il est beau ce jaune. Les années ont passées et il a conservé sa chaleur quand le soleil pénètre dans la chambre par la fenêtre. Et autant que je l’aime, je le déteste. Je hais ce jaune, ces radios et ces motos. Je les trouve insupportables. Quoiqu’il arrive, les bonshommes sourient toujours et le jaune est toujours jaune. Un sourire exaspérant qui donne des envies de cutter. Des grands coups, comme ça. Des grands mouvements de bras qui trancheraient net le papier peint.

 

    Un mur sans rien, qui existe que pour lui même. Sans ornements, sans décorations. Un mur, et son papier peint. Comme au début, quand ce n’était pas meublé, quand j’étais un petit garçon. Il n’est pas laid comme papier peint. Je pourrais avoir celui de mon petit frère qui bat le mien à plat de couture dans le domaine chambre d’enfant. Le mien est juste…plus à mon goût. Je ne peux plus le voir.

 

***

 

Mes études consistent à faire des puzzles. Des puzzles d’images. J’en prends deux, j’essaie de les assembler. C’est un long travail de patience pour trouver les deux qui collent parfaitement ensemble. Souvent les deux pièces semblent correspondre et en forçant un peu… ça marche…sans marcher. Et puis au final on trouve la pièce unique, au bon moment, qui collera parfaitement. On prend un peu de temps pour la placer. On sait que c’est celle là qui ira, pas une autre. Et une fois placée, on la regarde et la reregarde pour contempler ce que l’on est capable de faire, comme on regarderait un puzzle achevé.


Il fait chaud dans le studio. L’orage tonne dehors. Dehors c’est le déluge des soirs d’été. On dirait que le ciel a tant accumulé d’eau qu’il se sent obligé de tout libérer d’un seul coup. Je sors du studio et arpente les couloirs de l’école. Dans l’entrée, les élèves regardent, muets, la rue s’inonder peu à peu. C’est comme un spectacle. Dehors des gens courent en tenant parfois une sacoche au dessus de leur tête. Ceux qui sont dans l’entrée tournent la tête pour suivre les passants. Mais jamais personne ne rompt la loi du silence.

    Je suis de retour devant les écrans du studio. Brice, assis devant moi, argue pour la millième fois avec Julie sur le meilleur montage possible. Je crois que l’un d’entre eux s’est retourné pour me demander ce que j’en pensais. J’ai répondu. Je ne sais pas quoi, mais j’ai répondu. Mon esprit est occupé par quelque chose. Une de ces idées qui prennent tellement d’ampleur qu’elles finissent par occuper toute l’attention possible.

 

    Je me lève, je me dirige vers un autre écran, je m’assois devant lui, et j’y vais. Je place une photo d’un des membres de l’équipe, puis j’écris un texte en blanc. J’essaie de faire un générique de fin. J’agence, je teste, je fais apparaître, fais disparaître, je cherche une musique, je coupe, je recolle, mon regard se perd dans la luminosité des écrans. J’oublie que je suis dans un studio. Il n’y a plus que le film, le générique, la succession d’images, son sens. Il n’y a plus de gens autour de moi, ils n’existent plus. Tout le monde travaille silencieusement, sans prêter attention à la mille-et-unième dispute entre Brice et Julie.

 

    Des papiers peints. Je vais mettre des papiers peints.

 

    Mon téléphone sonne sur la table. Il me tire de ma rêverie. Je le saisis et aperçois le visage de mon père, à moitié coupé par une photo mal cadrée.

 

    -Allo ?

 

    Mon père. Lointain. Je n’entends rien. Je me déplace pour capter du réseau. Il parle lentement, sans s’arrêter, mais je ne l’entends toujours qu’à moitié. Je sors du studio, et m’assois sur une marche dans les escaliers.

 

    -Grand-Père est mort.

 

    La voix, soudainement nette. Nous échangeons quelques mots. Brefs. Sans expansion. Des « ah », des « oui », des « okay » qui répondaient à ses phrases brèves. Il raccroche soudainement. Me laissant sur les marches. Je ne sais pas bien ce que je ressens.

 

    Chopin prend place dans le studio. Deux trois notes de piano. Je ne pleure pas. Je ne ressens même pas de la tristesse. Je ne suis pas un personnage de livre qui exprime des sentiments coupés au rasoir. Il n’y a pas d’abîme sans fond, il n’y a pas de sol qui se dérobe sous les pieds. Il n’y a pas de montée de larmes, pas de je m’en foutisme. Rien de tout cela.

 

    J’appuie mécaniquement sur une touche du clavier, lançant la lecture de la première ébauche du générique de fin. Je le vois défiler devant mes yeux, mais je ne le vois pas. Je pense « Il y a un autre générique de fin, ailleurs, d’un film projeté qu’une fois, sans rediffusion. » Et je ris de moi. Secoué de spasmes, je ris de la pensée mélodramatique que je viens d’avoir. Je ris du ridicule de la phrase. Je ris de moi-même. 

 

    Mille-deuxième dispute entre Brice et Julie. Qu’est ce que j’en pense Brice ? Je ne sais pas. Je suis en train de te dire quelque chose, mais impossible de savoir quoi. J’ai dû dire quelque chose en faveur de Julie, car elle affiche un air victorieux. Je suis désolé. Je ne sais pas ce que j’ai dit. C’est sorti. Il y a ces écrans devant moi, et moi, debout au milieu du studio, sans trop savoir.

 

Rien.

 

    Mais alors, vraiment Rien. Comme si l’on venait de m’annoncer que, ce soir, on allait manger du chou. Pas d’embrassades, pas de crises de larmes, rien. Suis-je normal ? Pourquoi je ne ressens rien ? Suis-je devenu tellement insensible que la mort de Grand Père ne m’affecte pas ? Cette simple idée m’affecte plus que la nouvelle. Mes camarades me regardent. Joanna agite sa main devant mon visage. Et dans un rire…

 

    -Eh bien ? Ca va ?

 

    Je souris, je réponds « Oui ». Ca va.

 

  

 

A62

 

Dans la voiture, je regarde l’autoroute. Ce sont des centaines de gens que l’on croise. Des anonymes. Des inconnus. Et pourtant compagnons de voyage. On regarde leur provenance. Finistère. On s’imagine le pull-over marin et la barbe au moins naissante. Ici des Marseillais, et leur pays de soleil. Les autoroutes sont l’endroit des rencontres muettes, une agora rapide de culture.

 

Je songe à tous ces inconnus. A toutes ces personnes que je ne connais pas, qui passent anonymement à toute vitesse dans un sens ou dans l’autre. Par bien des côtés, les autoroutes peuvent être l’analogie de la vie. Une vie à toute vitesse. Un voyage d’un point à un autre. On passe toute sa vie mine de rien à voyager, à choisir sa destination, à prendre des déviations, à bloquer dans des bouchons. On s’arrête sur des aires de repos, on change de compagnons de voyage. Et on reprend le voyage à cent kilomètres à l’heure, dans un paysage que l’on ne prend plus le temps de regarder.

 

Dès lors, les inconnus dans les voitures ne sont plus des barbus bretons, ni de fringants parisiens à la recherche de campagne. Tout le monde est rangé au même rayon. Des vivants filant à toute vitesse vers la fin du voyage. Des futurs morts dans un cercueil roulant.

 

 

Quand nous étions enfants. Nous nous amusions des autres voyageurs de l’autoroute. Nous cherchions les barbus dans des voitures rouges. Et toujours l’un de nous était assez malin pour compter notre père dans le lot. Nous souffrions de l’ennui et nous inventions des jeux pour nous occuper. Assis à ma place aujourd’hui, je cherche des yeux les barbus dans des voitures rouges. Mais le jeu, me semble moins palpitant. Moins vital. Le jeu prenait des tournures de mission lorsque nous étions enfants. Il était essentiel de gagner, et donc pour cela de se concentrer au maximum pour être le premier à voir et à crier.

 

« J’en ai vu un ! »

 

Nous nous répandions en dispute pour savoir qui l’avait vu le premier. Nous faisions appel à nos parents pour l’arbitrage. Le jeu se finissait et débouchait sur un autre. Sur une découverte de nouvelles personnes. Le nez rivé contre la vitre. 

 

Aujourd’hui, nous avons nos baladeurs MP3, le casque sur les oreilles, les Gameboy et autre gadgets. Les gens dehors n’existent plus. La voiture devient un monde qui se meut, indépendamment des autres mondes, des autres voitures. Et dans ce petit monde, en s’en crée un autre. Toujours plus petit. Plus de dispute, plus de compétition. En grandissant, il n’y a plus que l’attente de l’arrivée qui est là. On essaie d’occuper le voyage pour qu’il soit le moins long possible, le moins pénible.

 

Je regarde alors le paysage. Et je prends conscience de la finalité du voyage. La mort au bout. Celle de Grand-Père. Elle ne m’avait jamais occupé l’esprit avant ce moment. C’était un fait quelque part rangé dans ma mémoire. Que j’avais archivé pour continuer à travailler sur mon film, l’esprit tranquille. Et puis la mort de Grand-Père me revient brusquement, et je prends conscience.

 

Grand-Père est mort.

 

Un gouffre s’ouvre alors, dans lequel je plonge muettement. Un abîme de tristesse m’engloutit. A retardement, la nouvelle me heurte de plein fouet. Comme si notre voiture en avait percuté une autre."

Les Particules Complexes, Rien & A62, 2009
© texte protégé par les droits d'auteurs.


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