Dimanche 18 octobre 2009 à 17:26

http://arkineus.free.fr/blog/gitai.jpg
"Quand nous sommes rentrés avec Gaëlle,
le sol s'est mis à trembler, sous ceux qui scandaient:
"Mussolini! Mussolini!" 
Et j'ai senti un profond attachement à cet endroit."


Sur les murs, la mémoire d'Amos Gitai, celle du monde, du génocide, d'Israël, et des juifs massacrés par la fureur de ceux qui ont peur. Dans le noir, nous déambulons devant les écrans géants de cet endroit lugubre. Les sons se mêlent, se mélangent, changent de source. Le visage des morts, des assassins, des bourreaux, et de ceux qui n'ont rien à voir. En marchant au milieu de l'exposition, nous ne sourions pas aux gens que nous croisons, nous ne les voyons pas dans le noir, ils disparaissent, alors que les films apparaissent. Avec chacun une histoire, à retracer, comme une vieille fresque qu'un archéologue met à jour. 

Autant le préciser pour ceux qui auraient des doutes. Je n'ai aucune idée extrêmiste. Je dis ça à cause de l'extrait qui ouvre cet article. Je suis allé à l'exposition sur Amos Gitai dans le cadre d'EVENTO à Bordeaux. Projections de films sur l'extrêmisme et le souvenir. Une exposition riche en émotions et en sensations. Et je l'ai ressenti dès la première minute. Même si les extraits étaient horribles et que j'ai bien cru que ma tête allait exploser à force d'entendre ces gens hurler le nom du dictateur italien, j'ai ressenti une compassion pour cet endroit. Bordelaises, Bordelais, Cubiennes, Cubiens, allez y jeter un oeil. Ca vaut le détour.

Dimanche 18 octobre 2009 à 17:15

http://arkineus.free.fr/chaperonrouge.jpg
"Brusquement, j'ai pensé au petit Chaperon Rouge,
et au Loup.
Celui qui perd à la fin.
Et je fus empli de compassion pour lui."


Je me suis senti pâlir, quand à l'autre bout du téléphone, je l'ai entendu parler en anglais, puis jurer en polonais. Et puis je me suis rappelé, que rien ne pouvait m'arriver. Parce que je l'avais décidé. Que j'étais bien depuis des semaines, et que rien ni personne ne pouvait enrayer ça à part moi. J'ai senti qu'à l'autre bout du fil, elle était étonné de ma confiance. Qu'elle ne me reconnaissait pas. Et j'ai pensé "tant mieux". Dans mon esprit, j'ai vu un effrayant cercle tracé au pinceau se rapprocher de moi, et en un instant, je l'ai barré d'un trait rageur, en marquant frénétiquement en dessous. "Vous tous, ennemis de mon bonheur, venez vous briser contre moi. Toute tentative est vaine, même unis pour un même but, j'ai brisé votre ronde infernale. Et maintenant je vous dévore."

Alors j'ai pris mon carnet, et j'ai commencé à écrire. Un peu n'importe quoi. Ce qui se passait. Et j'ai senti que même si je n'avais aucune confiance en rien, pas foi en ce qui arrivait...ça allait.

Dimanche 18 octobre 2009 à 17:03

 
http://arkineus.free.fr/blog/juliepost.jpg"Et bien appliquer son doigt, 
sur le rebord du carré,
histoire d'être sûr que ça restera,
que de nous il restera une trace."


On a sonné, et elles n'ont pas répondu. La porte était ouverte, alors on est rentré. Le scooter orange était toujours là, comme s'il ne bougeait jamais. On a grimpé les escaliers, et nous sommes arrivés devant la porte. On a frappé, refrappé, tendu l'oreille et rien ne s'est passé. La porte ne s'ouvrait pas. Comme si la porte, toujours ouverte avant, refusait de s'ouvrir maintenant. Ce n'était plus sa porte, mais leur porte. Alors j'ai voulu crier sur cet épais morceau de bois rouge, j'ai voulu lui dire que c'était chez nous, et qu'on avait le droit de rentrer. Mais j'ai rien dit, et nous sommes restés sur le pallier. Étrangers.

Alors j'ai demandé à Julie des post-it. Pour me venger. Des post-it que j'ai collé rageusement sur la porte, pour qu'elle ait ma marque, pour voir, sentir, qu'elle a encore un peu à voir avec moi.

 

Lundi 14 septembre 2009 à 11:37

 http://arkineus.free.fr/blog/aimer.jpg

"C'est quand mon coeur s'est échappé en dehors de ma poitrine,
et que tout est sorti...d'un coup, sans que ce que j'avais prévu de dire,
ne soit dit.
C'est quand elle a dit que c'était amusant de se cacher,
et qu'on trouverait ça amusant quand on le ferait plus.
C'est quand tout ça que c'est devenu de plus en plus évident."


Toujours à Paris. Devant mon bureau. Et l'horloge de tictaquer lentement. Le casque sur les oreilles, je savoure Nausicäa. Je la déguste. Dans une semaine c'est le retour à la maison. Pas au calme, mais à quelque chose de plus stable. Me réveiller sans avoir quelque chose à regarder (...non...pas regarder...mais contempler) ça va faire bizarre dans les prochains jours. Il y a des violons, et des violoncelles, et du contre-point, et des syncopes, et je vois la partition qui s'écrit devant mes yeux, comme calligraphiée dans les airs. Et je vois la vallée du vent. Et puis moi je la vois, elle, j'y songe.
Et rien que ça... ça valait un article.

**
Et puis je tiens aussi à vous préciser que je fais partie du concours Very Nice Blog, qui récompense les blogs esthétiques, originaux, et ergonomiques (hors-contenu des articles). Et que donc vous pouvez d'ores et déjà voter pour moi sur leur site...ce serait super sympa!


Vendredi 21 août 2009 à 1:50

http://arkino.cowblog.fr/images/petitmonde.jpg
 

Elle s’approche, et ouvre la fenêtre. La fraîcheur et le silence de la nuit s’engouffrent dans la pièce, et chassent la chaleur accablante de la journée. Elle reste quelques instants face au ciel noir. Deux étoiles. Pas de lune. Une nuit sombre, comme elle les aime. Il n’a pas bougé d’un pouce. Debout devant le fauteuil, il attend qu’elle lui indique quoi faire. Elle sent qu’il ne la regarde pas. Il ausculte les murs, les meubles, pour ne surtout pas poser son regard sur elle. Lorsqu’elle se retourne, il lève la tête, le regard interrogatif.
« - Tu veux boire quelque chose ? »
Il acquiesce, et s’assied maladroitement sur le canapé. Le verre, c’est pour reprendre un peu contenance, il n’a pas vraiment soif. Il attend qu’elle s’asseye à coté de lui, lui donne son gobelet plein d’eau. Ils restent côte à côte, sans un mot. Son regard se pose sur le chevalet vide et les quelques pinceaux éparpillés, à moitié cachés dans un recoin.
« - Tu ne m’as pas dit que tu peignais ?
- Je te montre ? »
Elle se lève, passe dans la pièce à coté, et fouille. Elle ressort avec une grande toile vierge qu’elle pose sur le chevalet.
« Viens. »
A son tour, il quitte le canapé et la rejoint.
« - Je pensais que tu allais me montrer des tableaux finis …
- Je n’en ai pas ici. Je vais te montrer comment je fais.
- Ah comme ça ?
- Oui. Regarde. »
Elle attrape deux trois pots de confiture, les remplis de peinture. Jaune, rouge, bleu, noir et blanc. Puis elle mélange deux trois couleurs et prends la large brosse. Elle commence par couvrir la toile de traces vertes. Change de pinceau et installe du rouge, du jaune, par petites touches.
« - Tu vois, c’est simple. A toi. 
- Pardon ? Mais je ne sais pas peindre, moi.
- Moi non plus.
- Je peux pas, ça va être laid, je vais gâcher tes peintures, ta toile !
- On s’en fiche du résultat. L’important c’est le geste.
- Non vraiment, c’est pas pour moi ça, tu sais…
- C’est pour personne, alors. Enfile ça, ce serait bête que tu te taches. Laisse moi faire d’accord ? C’est que de la peinture, ça mord pas. »
Elle attrape une vieille écharpe et lui noue autour des yeux, et lui fourre un pinceau dans la main. Quelle couleur ? Noir. Elle lui prend la main. D’abord, imbiber de peinture, puis trouver la toile. Elle l’entraîne quelques minutes à libérer son geste, puis peu à peu, desserre son étreinte et lâche son poignet pour le laisser continuer seul.
Silence.

Il ne bronche pas. Pourtant il sent mal le pinceau s’assécher, et se demande bien à quoi peut ressembler ce fouillis de couleurs . Ca doit être loin d’un tableau de la Renaissance en tout cas. Soudain, il sent la main de la fille sur la sienne. Elle lui intime d’arrêter, de lui donner le pinceau. Elle guide ses doigts vers le pot de couleur. Lorsque sa peau entre en contact avec la peinture, douce et molle, il ne peut réprimer un mouvement de recul.
«Chhhtt… ça s’enlève très bien à l’eau, ne t’inquiète pas. »
Elle pose un doigt sur sa bouche alors qu’il veut répondre.
«Sens. Sens la matière. »
Elle lui enduit la main de blanc et la pose sur la toile. Tout d’abord il ne bouge pas. Cela ne lui inspire décidément pas confiance. Il sent la peinture couler tout doucement sur le dos de sa main. Ca le chatouille. Il bouge un doigt, lentement, sent le grain de la toile neuve. Un peu plus loin il y a le bord du cadre. Il suit le contour du bout de l’ongle et s’aventurant au centre, découvre avec sa peau ce que ses yeux ne voient pas. Les traces humides et glissantes qui coupent et joignent d’autres traces, pâteuses car plus anciennes. Les gouttes qui dégoulinent et tombent. La peinture séchant sur son épiderme, qui craquèle et semble s’agripper à tous les pores.
Il replonge sa main dans les pots, et applique sa paume  contre le support . Il continue encore, essaie de combler les vides selon ce que lui dicte son toucher. L’amas de peinture suinte maintenant de son odeur, ses empreintes. Il caresse, pique, griffe, étale la matière. Il ne sait toujours pas ce qu’il fait, et cela lui est égal.
 Elle, elle est restée debout près de lui. Elle n’a plus bougé que pour lui présenter de nouvelles couleurs et lui donner un chiffon. Elle a vu son bras devenir plus souple, sec, violent selon les circonstances. Elle a laissé les minutes défiler, fascinée par ce garçon happé dans la couleur dont la main s’était transformée en émotion vibrante.
Il s’éloigne enfin du chevalet. Elle lui prend le bras et le conduit, toujours aveugle, vers la salle de bain, lui lave les mains et lui enlève le bandeau. Il a d’abord du mal à se reconnaître dans le miroir. Comme lors d’une nouvelle rencontre, il inspecte le visage étranger. De ses doigts propres, il touche ses joues, son nez, ses cheveux. C’est bien lui. Il s’est retrouvé.
 
Au moment où il se retourne, elle sait déjà qu’il va partir. Il n’est même déjà plus là. Tous deux reviennent dans le salon. Il ne regarde pas le résultat sur la toile. Sans un mot, il prend son sac, et se dirige vers la porte.
Il hésite dans le couloir de l’immeuble, se retourne. La fille est là, sur le palier. Elle a le regard sombre et impénétrable de ces nuits quelle aime tant. Il a honte tout à coup de son départ précipité. Mais le visage de la fille ne demande rien.
«A demain. »



Hic-et-Nunc

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