Lundi 9 février 2009 à 22:28

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Les lettres d'Héloïse sont l'évidence.

Derrière les mots, il y a elle, que j'imagine assise à son bureau, entre deux bouquins de géo. Il y a la tempête qui rumine. Pourtant une écriture si droite, si régulière. Dehors, il y a le vent qui souffle et à mon tour je prends mon stylo pour écrire sur le cahier. Notre cahier. Témoin de nos joies, nos peurs, nos doutes, nos évidences. Il y a tout, écrit là. Ou pas écrit, mais ici. Des réponses muettes, des récits sans fin, parfois des choses qui ne viennent pas de nous, mais d'auteur dont on se refuse de citer le nom. Par jeu, ou par orgueil.

 

L'essentiel est là, derrière des mots façades qui ne sont que prétexte à un carnet complice. Complices que nous sommes. Loin des faux, loin du convenable. Des lignes et des lignes de questions, de réflexions, à l'autre, à nous-même, et de temps en temps, une fleur, une photo. Un carnet qui sent le mélange, un carnet qui sent bon, un carnet qui sent bien.

 

J'avais oublié les lettres. 

***


Je n'arrivais pas à dormir. Alors j'ai rallumé l'ordinateur.

Je voyais un langage de la typographie. Que la mise en forme des paragraphes que l'on était amené à écrire était en soi une certaine forme de langage. J'ai pris conscience de ça. D'un coup. Alors que je le faisais inconsciemment depuis longtemps. Je me souviens même d'avoir commencé une lettre à Héloïse qui commençait justement par ce jeu d'alignements, de taille de caractères...


C'est bizarre. Je repensais aussi vaguement à 140x200. L'espace d'un instant. Au final, je conclus que je suis incapable d'avoir un avis personnel dessus. Tantôt j'aime, tantôt je trouve ça niais et déplorable. Je n'arrive même plus à me fier aux avis des autres; savoir s'ils disent que c'est bien pour ne pas vexer. J'aimerais en refaire un, mais le temps manque. L'inspiration aussi.


Je pense à Justine. Je pense qu'on a toujours un verre à boire ensemble. Je m'aperçois que je n'ai pas de nouvelles concrètes des autres. Je sens mon ventre se nouer. Justine, Cécile... C'est un peu de ma mémoire, comme ça.


Un jour Justine a dit: "Ton chemin, il viendra comme il viendra". Et c'est marrant que pile poil quand j'écris ça, elle se connecte.


Je me lance...je lui demande de ses nouvelles.


***



J'aime les gens qui sont à semi-concernés parce qu'ils disent. Ainsi ce matin, collégiature dans le CDI de l'ESMI. Question du jour: "la grève". Normal, les effectifs réduits de moitié pour cause de non-transport. Puis la Dame en Rouge.


"Je trouve ça déplorable de faire grève en temps de crise."


Je me suis dit qu'effectivement, c'était très idiot de faire grève en temps de crise, qu'il valait mieux faire grève quand tout le monde était content et que tout allait bien parce que juste là, ça allait changer quelque chose. La Dame de continuer que la plupart sont des flemmards qui ne veulent pas travailler, toujours plus sans se donner de mal, et à qui le moindre prétexte (ici la grève) est bon pour ne pas aller au boulot.


J'aimerais juste ici dire deux trois petites choses rapides...


Vous vous battez pour vos idées, et je vous dis tant mieux. Si vous grevez effectivement pour ne rien faire, alors bon...à vous de voir ce que vous dites votre conscience. Ce que vous ne devez pas oublier, c'est cette phrase:


"aujourd'hui, en France, lorsqu'il y a une grève, plus personne ne s'en aperçoit."


Ne laissez pas l'instauration d'un service minimum gâcher votre droit de grève, et surtout montrez que quand il y a une grève, ça peut faire très mal. J'aimerais vous dire de crier le plus fort possible, de faire bouger tout ça, et d'arrêter de penser que la crise est un début de fin de monde.


Une chose que j'aimerais voir, c'est la fin des réceptions au champagne, et dîner somptueux à l'Elysée; la diminution de salaire des ministres et président. Alors là on verrait qu'il y a un gouvernement qui se préoccupe un peu de la crise, sans balancer des milliards à droite à gauche dans des secteurs en fin de phase quoiqu'il arrive...


J'aimerais que les gens soient moins cons, et sourient un peu.


Mercredi 28 janvier 2009 à 21:53

 
http://arkineus.free.fr/blog/tiphaine.jpg(Vous pouvez retrouver mes mots dans le Télérama 3079 du 14 janvier 2009)
((...et aussi un nouvel habillage bâclé...))

J'ai pris le portable entre mes mains. Et j'ai fait glissé le clapet. Je l'ai refermé. Puis j'ai fait reglissé le clapet, pour le refermer de nouveau. Sentir la petite résistance, avant que le système de fermeture s'accélère. Je me demandais alors comment je serais plus vieux.


Dans mon lit, je songe à demain. Puis au demain du demain. Et au demain du demain de demain. Une perspective assez fade. Cet air de saxo m'hypnotise complètement. Je ne sais plus en quoi je crois, mais le simple fait de voir des gens me suffit à vivre. Le simple fait de sourire, rire avec eux, de parler, de débattre. Ca me maintient. 


Lorsque j'essayais de capter Tiphaine, à travers l'objectif de l'appareil photo, je repensais à cette phrase. "S'il y a bien un art qui est un art de la mort, c'est la photographie." Et de songer à quel point c'était à la fois vrai et faux. Que l'on figeait sur du papier le vivant, et que par conséquent la fixité lui ôtait toute son caractère vivant. Et à la fois, la photo vit. On peut entendre son petit coeur qui bat, ou le notre à regarder les photos s'animer dans notre inconscient. Imaginer les enfants de Doisneau rire... 


Je pensais à tout cela pendant les multiples photos que l'on a pris Tiphaine et moi aujourd'hui. Je me suis assis un moment après, et j'ai pensé à mon portable cette nuit. En le tripotant, je songeais que tout changeait et qu'il était ridicule de dire que c'était bien ou mal. Je vois les photos que je faisais avant, les montages que je faisais avant, et je me dis que l'on est toujours amené à évoluer, peut-être pas à progresser, mais à évoluer.


Et finalement...je trouve ça très optimiste.

 

Mercredi 28 janvier 2009 à 21:49

 
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Et c'est alors que David, le prof de montage a dit.
"Tod Browning est un cinéaste dont la carrière fut sans doute la plus brisée par la censure américaine.
Petit historique. De 16 à 30 ans...il est orphelin..."

Et nous de nous exclamer. "C'est plutôt cool si ses parents ont ressuscités après." Et de partir dans un de ces fous-rires dont la provenance échappe à la raison.


Dans Les Lignes, je disais que l'on pouvait prendre la vie comme une pelote de laine, ou alors par analogie à un atome du modèle de Schrödinger (pour les non-scientifiques: c'est celui qui a fait la théorie du chat tartine. Son modèle atomique est cependant tout ce qu'il y a de plus sérieux.)


"À bien y réfléchir à travers toutes les lignes qui peuvent guider la jeune fille du bus,
une plus grosse, plus épaisse, qui pourrait la mener vers ce qu'elle cherche à avoir.
Parcourant sans cesse le fil de la pelote, elle tournera, retournera autour de son but, longtemps avant de l'avoir.
Cela m'amène à penser que les êtres humains sont des particules complexes.
Des électrons qui gravitent autour du noyau, lâchés dans le vide, sans trajectoire précise, sans direction où aller.
Ils vont, ça et là, en tentant de joindre le noyau ou au contraire de s'en éloigner.
Les électrons se rentrent dedans, c'est des rencontres. Amoureuses, amicales, des molécules se forment.
Des guerres, des désaccords, les réactions nucléaires à échelle humaine."
Les Lignes, 2008


Il est heureux parfois de constater que combien il est bon d'observer la complexité. Quand Arnaud est arrivé ce matin, nous étions tous prêt à nous prendre l'engueulade du siècle pour le boulot que nous n'avions pas fait. Il a ouvert la porte dans un grand fracas, à commencer à avancer en tournant sur lui-même et en levant les bras, faire un tour dans la salle, ressortir sous les yeux ébahis de notre professeur en fonction (et les notre accessoirement), et crier alors dans le couloir:


"JE SUIS PAPA!".

 

Lundi 26 janvier 2009 à 22:15

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Dans le jardin, ce soir, il y a la voiture de Grand-Père. Je me suis rapproché pour voir de plus près. Pour être bien sûr. C'est cette voiture. Rouge. Une 306, je crois. Je ne connais pas bien les noms de voiture. Dès lors ce qui me reste de coeur fait un bond dans ma poitrine. Je sais mon père rentré dans la journée... pourquoi a-t-il ramené avec lui la voiture de Grand-Père?


La voiture de Grand-Père sent bon le sable. Celui d'il y a 15 ans, lorsqu'il nous emmenait au Cap Ferret dans la maison familiale. J'entends encore Rémi maintenir qu'on dit "crocrodile", et moi de lui prouver que c'est faux. Dis Grand-Père... c'est bien "crocodile" hein? Et Grand-Père qui commençait à chanter."Ah les Croco-co, les Crocro-cro, les Croc Odileuhhh."


Grand-Père aimait chanter. Et dans la boîte à gant, il y avait toujours un TUC pour nous. Gourmandise exceptionnelle, et son péché mignon. Nous étions à l'arrière. Nous jouions avec les pare-soleils. Une fois ou deux on a dû les casser. Ca avait dû le faire rire.


La voiture de Grand-Père sent bon le bois. Celui qu'il coupait. Accessoirement avec ses doigts dans la foulée. Des planches, des sapins, du houx. Tout est passé dans sa voiture. Des bricolages les plus fous, aux déchets les plus encombrants. Je vois encore les planches qui sortent par le coffre, et j'entends leur son lorsqu'elles s'entrechoquent sur le chemin caillouteux des Estrabols.


Puis Grand-Père est parti. C'est la mort ou c'est la vie qui nous l'a pris. Je sais pas trop laquelle des deux. Dans le garage il restait sa voiture. Signe qu'il était toujours là. Quand nous faisions la course sur les routes de montagne avec, c'était lui qui rigolait. Quand nous transportions de quoi réparer la maison, c'était lui qui chantait.  Il n'y a plus de TUC depuis longtemps, mais il était là.


Ramener sa voiture à la maison, c'est retirer à la maison de Mazamet une des plus fortes présences de Grand-Père. C'est ôter à Grand-Mère un bien qu'elle aimait beaucoup. "Je ne confie pas la voiture de Papy à n'importe qui." disait-elle. Et là, la voiture est là dans le jardin. Obscène. J'mattends presque à la voir grimacer, à réclamer de rentrer dans les montagnes.
Elle ne bouge pas. Comme si ça ne la dérangeait pas.


Je rentre dans la maison. Je vois mon père. 

"Pourquoi tu as ramené la voiture de Papy ici?"

Dimanche 25 janvier 2009 à 13:40

http://arkineus.free.fr/blog/storm.jpg
Il y a un pin qui fait dodo dans le jardin, et le toit du garage qui a décidé de prendre des vacances. C'est rigolo de regarder tout ça. La poubelle s'envole, les tuiles d'en face aussi, et nous trois de regarder. Tout semblait être fait pour nous avertir, des codes rouge, des alertes orange, des analogie avec la terrible 99. On lui a même donné un nom d'allemand à la tempête pour qu'elle fasse plus peur.

Mais Non.
moi je regarde, et le vent balaye mon corps. J'ouvre la fenêtre pour qu'il puisse emporter avec lui le trop plein et les humeurs. Les tempêtes me calment, les tempêtes m'apaisent. J'aime sentir le vent violent, j'aime laisser mon esprit danser avec les bourrasques. Je voulais mettre une valse, un peu connue, ou bien "Any Minute Now" de Max Richter. Mais tout le monde essayait de dormir.

Camille aussi aimait bien les temps de tempête. C'était un point commun que nous avions. Un des rares en fait.  Moins je dors, et plus j'ai conscience de l'instabilité des choses. Je referme ma fenêtre, je m'installe à mon bureau, et je laisse mon stylo glisser sur le papier. Il n'y aura probablement personne pour lire, personne pour commenter. La pensée m'attriste. Puis une bourrasque de vent. Qui emporte cela.

Ce matin, Jérémy envoyait un message pour nous demander si ça allait. Je sais tout de suite que ce n'est alors pas le cas pour lui. Et soudain, j'ai peur. J'ai peur pour tout ceux que je connais. Pour lui, pour les autres.

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